Proésie sur l'ordre et le désordre

Ordre, désordre…. L’usage courant prête à l’ordre une valeur morale positive, et, par contraste, une valeur morale négative au désordre. Il est d’usage de parler d’une vie désordonnée pour celui ou celle qui mène une vie qu’on dira aussi « dissolue ».  Tel autre « entrant dans les ordres » consacre sa vie à D.ieu et aux autres. Enfin, avant de mourir, une personne mettra aussi « ses affaires en ordre ». On comprendra qu’elle règlera ses dettes, organisera son héritage, pour finir dans un cimetière aux tombes parfaitement alignées, etc.

L’idée qu’il y a « une place pour chaque chose et que chaque chose doit être à sa place », traduit dans le monde des objets l’esprit de la vertu d’une vie « rangée ». Si chaque chose a une place, par essence, c’est qu’elle a dans ses droits propres, dans son éthos, son état ordonné. L’action de ranger, le rangement, ayant pour conséquence l’ordre. Et dans l’éducation, la chambre est le premier lieu de l’agir ordonné. « Range ta chambre » étant la préparation à cette « vie rangée » comme la marche au pas et en « ordre serré » prépare le militaire à la bataille « rangée ».

Dans le règne vivant également, divers ordres permettent de séparer le coléo-ptère, du lépido-ptère, et, au sein même de ces deux familles, de sous-ordre. Il y a donc une évidence d’un monde ordonné, et que les classements, les rangements  que nous constatons de ce monde, nous permettent de l’appréhender, d’en user, et de dire D.ieu comme grand ordonnateur. Et c’est ainsi qu’ayant inventé l’ordre du règne minéral, animal, végétal, nous l’avons séparé, nommé et, en discutant entre nous, est ainsi né le dialogue, les deux paroles, qui désignant le même minéral, le même animal, le même végétal, et aussi le même cosmos à qui nous donnons des noms d’animaux la grande ourse, la petite ourse, etc… nous ont fait reconnaitre ceux du même langage, et nommer aussi, notre semblable propre, l’homme.

C’est donc par le langage qui sépare, lumière – ténèbre, que l’ordre prend naissance du tohu-bohu, jusqu’au temps de l’homme, et c’est ainsi que les lettres nous sont données classées dans « l’ordre alphabétique » qui est le premier des rangements que nous apprenons à l’école… Nous rangeons également le temps : en siècle, et chaque chose a son siècle et chaque siècle a ses choses, et cela se copie de siècle en siècle comme les petits fauteuils au nom de roi. Et le temps pré-historique, même s’il se compte en millions d’années et non plus en siècle, n’échappe pas à l’ordre d’un jurassique, d’un crétacé.

Un peu de langue nous apprend cependant que chacun de ces mots – jurassique, crétacé – ne signifie rien d’autre que la période d’avant la suivante. Et aussi que nommer ainsi les êtres et les choses ne nous rendaient absolument propriétaires de rien, ni de l’ordre qui préexistait avant que nous ne posions le pied sur notre planète – voyez comme les choses sont immuablement bien rangées sur la lune.

Mais alors, qu’y avait-il avant la pré-histoire ? la pré-préhistoire ! Le matin du monde.

Justement, ce matin, en voyant ma fille arriver dans la cuisine venir prendre son café, c’est le balagan à l’état pur que j’ai vu, mot hébreu désignant le foutoir,  dans la chevelure d’une femme qui vient de se réveiller. Je pense alors spontanément à la coiffure de deux personnages du siècle passé : Adolf Hitler et Albert Einstein.

Auquel des deux auriez-vous dit le matin « coiffes-toi ! » pour un monde plus ordonné : celui qui a mené avec fureur jusqu’à presque son terme le combat de l’ordre nouveau contre l’humanité ou l’autre qui le fuyant, a découvert que tout est relatif.