Maraude

 
Ce matin en songeant,
A vous rendre des comptes,
De la tournée d’hier,
J’ai pensé à l’hiver,
A ses laissés pour compte
Sous ces grêlons glaçants,
 
Alors dans ce grand froid
Plutôt qu’une simple prose
De mon esprit tordu
Survint ce compte-rendu
Il fallait bien que j’ose
Au moins pour cette foi...
 
D’abord en notre Père,
Celui qui est au cieux.
A ses pieds déposés
Notre dure journée
Et déjà çà va mieux.
Ce fut notre prière.
 
Devant la pissotière
Point de Georges s’abritant
Par don; sait trimer, l’pauvre !
(Pardon cette rime est pauvre).
Il n’y a que gisant
Quelques pack de bière.
 
Voici devant sa banque
Grégor les bras chargés
De ses médicaments.
Ce sont tous des calmants
Pour sa gorge enflammée :
Ses ganglions lui mentent.
 
Faudra t-il qu’on vous parle
De notre ami Georgi.
Où est donc ce garçon ?
Il nous a fait faux bond
Devant sa boulangerie;
De le voir, il nous tarde.
 
En l’enfer du métro,
Descente à Michel Ange.
Nous le cherchons en vain
Entre deux rames de train
Couché comme dans des langes.
Mais il n’y a pas Bruno.
 
Et sous les deux arceaux
Planqués prés du ballast
Il y a des balluchons.
Mais ce soir nous n’verrons
Nos deux copains Hispash
Miguel et Girardo.
 
Direction Ligne Neuf
Là nous voyons Raymond
Soixante an, pas une dent
Toujours philosophant.
Alors nous discutons,
Ce soir il est moins veuf.
 
De l’autre coté du quai
Tout bien emmitouflé
Au fond de son duvet
Philippe en train de fumer.
Quelques mots échangés.
Là, il est protégé.
 
Un peu plus loin encore
C’est un nouveau : Philippe
Non je ne joue pas au con !
Il a le même prénom
Mais n’est pas sa réplique;
Et sa parole est d’or.
 
Pour vous donner à voir
Tout ce qu’il nous a dit
Un peu plus que six lignes
D’un procédé insigne
Qu’est cette poésie
Pour lui il va falloir
 
C’est malin j’ai perdu
Déjà deux lignes encore !
Revenons au mouton
C’est un chouette garçon
Format terminator
Et sa vie est touffue.
 
Les captifs il connait
On dirait qu’il y est né !
A saint Vincent de Paul
Dormait sous l’escalier
Et à même le sol
C’est là qu’il fut trouvé.
 
Ensuite l’a bourlingué
Comme çà plusieurs années :
Un jour dans un hôtel
Avec j’crois bien une belle,
Puis il a pris les rennes
Au bois dit de Vincennes;
 
Et aussi à la morgue
L’est allé prendre sa douche
Un coin çà vous en bouche !
Je vous fais les grandes orgues !
“Mais qu’elle mouche le pique
Ah, la pauvre Véronique.”
 
Je vous entends d’ici...
“Sa drogue est poésie
Qu’il arrête son théâtre !”
C’est que précisément
En un amphithéâtre
Il trouva son logement.
 
Attendez qu’on s’explique :
Il y a à Saint Perrine
Une p’tite morgue sympa
Qu’on appelle pour ne pas
Appeler un chat une chienne
Amphithéâtre : unique !
 
Et donc notre Philippe
S’y hébergeait avant
Avec les antillais
Mais il en fut chassé
Par un gestionnant,
Livré à la vindicte.
 
Heureusement voici :
Un ancien commissaire
Ou plutôt adjudant
Et chef plutôt coulant
Touché par sa misère
Lui fait reprendre vie.
 
Il lui a même refiler
Et l’info est casher
-Bien sur pas son flingue
Seriez-vous vous devenus dingue-
Mais de la mousse à bière !
Honneur au policier !
 
Demain, soit aujourd’hui,
A la porte de Saint Cloud
Il quitte son tombeau
Pour un nouveau boulot :
Il y a rendez-vous
Avèque son ami !
 
Nous voici repartis
Et remontant le quai.
A droite nous saluons
Hélas toujours bougon
Vous l’avez deviné
C’est notre ami Denis.
 
Qu’il soit dit en passant
Qu’au passage remontant
Je tombe sur des affiches
Faisant la promotion
-Mais de qui on se fiche ?
Oui de qui se fiche-on ?-
De l’infidélité !
Elles sont toutes arrachées.
 
Auteuil, Rémusat
Le Coran est ouvert
Le tapis est posé
Et même du thé vert !
Mohamed en prière ?
Eh non ! Il n’est pas là.
 
Un coup d’œil au carrefour
Marché de l’infortune
Peter n’est pas en lice
Et nulle part de Maurice.
Dimitri ? : pas une tune.
Nous poursuivons le tour.
 
Véronique inspirée
Comme au chemin de Croix
S’arrête à la station.
Mirabeau est son nom
Au quai surprise de choix
OK ! Bruno dormait.
 
Nous l’y laissons dormir
Ainsi que son mentor.
Plein Sud est notre cap.
Il n’y a plus son hamac.
Hier je disais “Louis dort”
Mais ce n’est qu’un souvenir
 
Arrête ton bavardage !
Dit ma voix intérieure.
Mais nous fûmes trop tentés
Avant d’y trépasser
D’entrer dans la demeure
De nos frères de grand âge.
 
ll fallait vérifier
Sur place à Sainte Perrine
Qu’en fait d’amphithéâtre,
Mot qui évoque l’âtre,
De morgue, de paraffine
De fait il s’agissait.
 
Deux mots : Ce qui fut fait
Auprès d’un Antillais
L’était-il ? Je ne sais
Gardien sur il l’était
Et nous l’a confirmé
Philippe n’a pas rêvé.
 
Pour Christine : Wassilé
Plus présent que jamais
En notre Esprit, Lorane
Nous l’avons conservé :
Il nous faut le nommer
Car cet homme est une âme,
 
Mémoire des cabines
Volées et envolées.
Mais là, comme annoncé
Icham. Nous passons.
Comme un cloud enfonçons
Au creux de la station.
 
Ni Laurence, Darek
Ni Martin, ni blanc-bec
Il faut nous en aller
J’profite en remontée,
Véronique fait le gué :
Trois affiches arrachées.
 
Parlons de Ladislav,
L’homme qui tient sa place.
D.ieu que c’est compliqué
D’apprendre le polonais.
Au début çà allait
Mais il s’est énervé :
 
Problème d’A M OU
Problème de rendez-vous
C’est la fête à Sainte Jeanne
Lui: têtu comme un âne.
Quinze ans qu’il arrivât
Toujours pas déRéSSA.
 
Faudrait qu’nous deux on se forme
Pour connaitre un peu mieux
(Et les novices aussi
J’veux parler du lundi)
Toutes ces règles du jeu
En la bonne et due forme.
 
Au passage Anaïs
En a pris pour son grade
Et nous avons laissé
Ladislav au fumier
Conter sa sérénade.
A ceux qui ont ce vice.
 
En sa cabine Willy
Sous une couverture
Vaquait à s’installer.
Nous avons continué
D.ieu que sa vie est dure.
Nous noul sommes inter-dits.
 
Molitor, las, Jimmy
Perché, recroquevillé
Sur son siège, endormi
Il nous faut remonter.
Il faut que l’on vous compte
Notre dernière rencontre.
 
Vous vous souvenez peut être
Qu’il y a quelques semaines
Nous avions échangé
Avec le préposé
De la station. Le même
Hier il vient à paraitre.
 
C’est lui, mais oui c’est lui
Qui nous avait appris
L’origine de Jimmy.
Qu’il appelait ainsi
A cause du grand Hendrix
Géant des guitarix !
 
Ore donc nous y voici :
Alors qu’il est bien tard
Vingt deux heures déjà
Et l’homme vide son état
D’âme; il a le cafard
Plus noir que le gris.
 
Suivez c’est important.
Il s’appelle François
Il est presque croyant
Allait se mariant
Pour partager sa foi :
Geneviève, lui l’aimant.
 
Gabriel le connait.
Il est infortuné.
Sa famille le hait.
Et ce 13 février
Il sera en procès
Par ses dettes noyées.
 
Et c’est lui qui nous dit
Que sous peu il serait
Comme un autre Jimmy
“Il ne faut pas lâcher
Et nous allons prier”
 
Alors l’ayant quitté
Nous les avons confiés
Lui et elle, elle et lui,
A la vierge Marie,
Présente au dernier jour
Comme au premier amour.
 
C’est fait, fin de tournée
Très joyeuse journée.